mardi 26 avril 2011

Ce que les DRH attendent de l'externalisation

De plus en plus d'entreprises externalisent une ou plusieurs de leurs fonctions RH. Libérer du temps pour d'autres tâches, faire appel à des expertises pointues,... les motivations qui poussent les DRH à externaliser certaines fonctions sont variées. Tour d'horizon des pratiques.


Selon Thomas Estadieu, directeur associé de ConvictionsRH, cabinet de conseil en ressources humaines qui vient de publier un livre blanc sur l'externalisation de la fonction RH, les motivations qui poussent les entreprises à externaliser une partie de leur activité RH sont très hétéroclites : "C'est vraiment au cas par cas. Parfois certaines entreprises externalisent car elles n'ont pas eu le choix. Cela relève d'une décision de la direction générale". Ce que déplore Thomas Chardin, expert en externalisation qui a créé un blog dédié (*), et recommande aux DRH de "prendre les devants afin de ne pas être de simples exécutants de l'externalisation".

 
Se doter d'une expertise pointue
L'expertise, c'est ce qui a motivé avant tout Francis Bergeron, DRH du groupe SGS France spécialisé dans la certification. "L'externalisation nous permet de bénéficier d'expertises très pointues sur des domaines techniques très différents. Les ressources humaines ont une très forte technicité par rapport à il y a 20 ou 30 ans. Il est donc difficile d'avoir en interne d'excellentes compétences sur à la fois le recrutement, les techniques de communication, les workflows, l'évaluation des cadres, la formation,... Une expertise d'autant plus indispensable que les outils évoluent très rapidement. "L'externalisation nous permet de rester en conformité avec les évolutions techniques et juridiques des outils informatiques RH".

"L'externalisation est corrélée au nombre de textes réglementaires", confirme Thomas Chardin. L'arrivée du Dif en 2004 a dopé l'externalisation sur la partie gestion de la formation, explique-t-il, en forte progression depuis.

 
Réduire les coûts
Autre objectif recherché : la réduction des coûts. "Les DRH sont de plus en plus vigilants sur des éléments de gestion sociale : congés payés, heures supplémentaires, masse salariale", note Thomas Estadieu. Qui souligne toutefois que "l'externalisation n'est pas forcément synonyme de réduction en terme de coûts complets, mais "de réduction des ETP [emploi temps plein]. " "L'externalisation peut aboutir à une réduction des coûts de l'ordre de 20 à 30%", complète Thomas Chardin.

 
Se recentrer sur des fonctions à forte valeur ajoutée
L'externalisation permet aussi d'accompagner la transformation de la fonction RH.

"Elle permet au DRH de se repositionner", estime Thomas Chardin. "C'est du temps libéré pour les responsables des ressources humaines, pour se recentrer sur ce qui fait la valeur ajoutée et le coeur de notre métier - la dimension stratégique - en retirant tout ce qui concerne l'administratif", souligne Didier Baichère, DRH d'Alcatel-Lucent. "Le temps libéré est réinvesti dans l'accompagnement individuel et collectif des salariés et dans l'accompagnement des managers de proximité".

 
Les missions externalisables
"Il faut analyser l'organisation pour savoir ce qui est chronophage et à faible valeur ajoutée", conseille Thomas Estadieu, comme l'administration de la formation du personnel, de la paie, le renseignement des collaborateurs sur une règle,... Ou encore, à l'inverse, ce qui nécessite une forte expertise et donc qui présente des risques s'il y a des pertes de compétences en interne : paie, veille juridique,... "Il y a une dizaine d'années,on externalisait la paie dans les PME car il y avait une rupture de compétences. Aujourd'hui, on recourt à l'externalisation en anticipant justement ce risque de perte de compétences", constate Thomas Chardin.

 
Et les autres
D'autres fonctions sont difficilement externalisables, fait remarquer Thomas Estadieu, "celles qui concernent le rôle du manager par rapport aux collaborateurs : développement de compétences, entretien, évaluation, identification des besoins". Des fonctions qui sont en réalité déjà externalisées au niveau des managers, premiers DRH de l'entreprise, selon lui. "Mais aussi "celles qui touchent à des aspects politiques, stratégiques (attraction et rétention des talents,...) et au dialogue social".


Complémentarité entre externalisation et gestion interne
Pour le DRH de SGS groupe, "toute la question est de savoir où positionner le curseur entre la partie externalisable et la partie à conserver en interne". Car selon Francis Bergeron, chaque fonction RH peut être à la fois externalisée en partie tout en étant également gérée en interne. "Si l'externalisation de la paie semble aller de soi en raison de sa technicité, au sein de SGS nous avons rencontré des limites qui tiennent à nos pratiques : systèmes d'horaires et collectes d'informations différents. Nous sous-traitons donc l'outil informatique et nous avons un service de paie en interne composé de 12 techniciens de paie spécialisés".

La même choix a été fait pour le recrutement. "Nous avons quatre recruteurs et un sourceur de candidats en interne. Mais nous faisons aussi appel à un prestataire externe dans le cadre de recrutements extrêmement pointus souvent au niveau européen".


Une préparation minutieuse en amont
"Il est nécessaire de bien préparer le processus d'externalisation", insiste Thomas Estadieu.

Au sein d'Alcatel-Lucent, le processus d'externalisation s'est fait sur le long terme. "L'externalisation oblige à un effort au niveau des process et de la stantardisation. En 1990, nous avons externalisé la paie. Puis nous avons procédé à l'harmonisation des systèmes d'information RH en 2006. En 2008, nous avons créé un centre de services RH partagés au niveau de la France pour la paie et l'administration du personnel. Enfin, en 2010, nous avons mis sur pied un centre de services RH européen au niveau du groupe, basé en Roumanie", explique Didier Baichère. Cette externalisation "en interne" (seule la paie a été réellement externalisée à un prestataire extérieur au groupe) "nous a permis d'atteindre les trois objectifs que nous nous étions fixés : standardisation des processus, réduction des coûts et amélioration des services rendus".


Bien accompagner les collaborateurs
"Il ne faut pas négliger l'accompagnement du changement", met en garde Thomas Estadieu. "Au niveau de la fonction RH elle-même. Il faut anticiper très en amont les suppressions de postes ou les réorganisations. Il faut ensuite accompagner les collaborateurs. Et enfin considérer le prestataire comme un véritable partenaire. Ce dernier doit être présent et expliquer sa démarche aux RH voire aux collaborateurs".

Enfin, n'oubliez pas d'en informer les partenaires sociaux, recommande vivement Thomas Chardin.


(*) Thomas Chardin est également l'auteur d'un ouvrage sur la question, "Externalisation RH, Guide pratique et questions clés", en collaboration avec Patrick Bouvard, aux Editions d'Organisation.

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